Le 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, me ramène chaque année à une douleur profonde, celle d’avoir perdu mes deux parents, assassinés dans la nuit du 2 au 3 novembre 2005. Mon père, Franck Ngyke Kangindu, journaliste à La Référence Plus, et ma mère, Hélène Mpaka, ont été froidement exécutés à leur domicile devant leurs enfants. Un double meurtre resté impuni jusqu’à ce jour.
En 2019, un an après l’accession au pouvoir du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, j’ai eu l’opportunité d’être présentée à lui à l’hôtel Béatrice, lors de la célébration de cette même journée. Ému, il m’a confié : « Je connaissais bien votre père », avant d’instruire son conseiller en communication de l’époque, feu Charles Kilosho, de lui soumettre le dossier. J’ai nourri l’espoir que ce président, porteur du rêve de l’État de droit, irait au bout de cette promesse. Mais cette lumière s’est vite éteinte…
Le 3 mai 2023, au Fleuve Congo Hôtel, j’ai une nouvelle fois pris mon courage à deux mains pour interpeller personnellement le Président, à la sortie de son discours. Je lui ai rappelé que j’étais la fille du journaliste Franck Ngyke, que le double crime de mes parents restait sans justice, alors même que dans son allocution il avait affirmé : « Aucun crime de journaliste ne restera impuni sous mon mandat. » Pourquoi donc le nôtre, 18 ans après, reste-t-il dans l’ombre ?
Touché une fois de plus, le Président a demandé à son chef de protocole, M. Bob, de programmer une audience avec les orphelins de Franck Ngyke. Hélas, ce rendez-vous n’a jamais eu lieu. J’ai frappé à toutes les portes, du ministre de la Communication aux anciens amis de mon père. Silence total. Pourquoi ce mutisme ? Pourquoi cette indifférence ?
C’est face à cette injustice que j’ai lancé un plaidoyer pour la reconnaissance nationale des 22 journalistes assassinés en RDC, afin qu’ils soient élevés au rang de Martyrs de la liberté de la presse. Une démarche reçue avec attention par le ministre de la Communication en novembre 2023… mais restée sans suite jusqu’à ce jour.
En ce 3 mai 2025, alors que le Président s’adressera encore une fois aux professionnels des médias, se souviendra-t-il de nous ? De ces familles brisées par la privation de cette liberté ? De ces enfants devenus adultes avec des plaies non cicatrisées ? Le moment n’est-il pas venu d’agir concrètement ?
La mémoire des journalistes assassinés mérite justice. La liberté de la presse ne se célèbre pas seulement en discours, elle s’incarne aussi dans la réparation.
Grace Ngyke, journaliste