La célèbre expression « le malheur des uns fait le bonheur des autres » n’a jamais été aussi vraie qu’en ces temps d’inondations qui paralysent une partie de Kinshasa. Depuis la nuit du samedi, le boulevard Lumumba, principal axe menant à l’aéroport international de N’djili, est partiellement impraticable, transformé par les pluies en un long fleuve boueux où voitures et motos s’embourbent, piétons pataugent, et voyageurs désespèrent.
Mais alors que les automobilistes pestent et que les voyageurs manquent leurs vols, un acteur inattendu tire son épingle du jeu : l’Office National des Transports (ONATRA).
La voie fluviale comme plan B… à prix fort
Consciente de l’opportunité, l’ONATRA a réactivé une ligne fluviale reliant la Gombe à l’aéroport via le fleuve Congo, proposant aux passagers une alternative aux bouchons et aux flaques sans fin. Une initiative saluée par certains, mais qui en fait tiquer plus d’un lorsqu’on regarde les prix : entre 150 et 200 dollars américains par le trajet, du beach Ngobila à Kinkole.
« C’est cher, mais j’ai pas le choix. Mon vol décolle dans deux heures, et si je reste sur la route, je vais rater l’embarquement », confie Jean-Marie, un homme d’affaires, en montant à bord d’un bateau rapide. Comme lui, des dizaines de passagers affluent, sacrifiant leur portefeuille pour arriver à temps.
Une aubaine logistique et financière pour l’ONATRA
Pour l’ONATRA, cette situation est presque une bénédiction. Depuis longtemps à la recherche de nouvelles sources de revenus et de visibilité, l’office voit dans cette crise un coup de pouce inattendu. « Nous répondons à une demande urgente. Ce service, même s’il est temporaire, prouve la pertinence de la voie fluviale comme alternative de transport », explique un responsable, sans trop s’attarder sur les critiques liées aux prix.
Solidarité ou opportunisme ?
La question reste ouverte : s’agit-il d’une réponse solidaire à une urgence urbaine, ou d’un opportunisme pur et simple ? Certains dénoncent une exploitation du chaos au détriment des citoyens, tandis que d’autres y voient une leçon à retenir pour diversifier les modes de transport à Kinshasa.
En attendant, les pluies continuent de tomber, le boulevard Lumumba reste englouti, et les embarcations d’ONATRA font le plein. À Kinshasa, il faut parfois voguer entre les flaques… et entre les lignes.
Marcel Kazanga